Aujourd’hui nous allons parler d’un outil très utile pour un grand nombre d’auteurs. Il s’agit d’une aide pour ancrer vos textes dans le concret et aider vos lecteurs à y accrocher.
Notre outil est comme la food pyramid, à ceci près qu’il est correct et encore d’actualité.

Il s’agit également d’une pyramide. La voilà :

Cette pyramide est une métaphore de votre texte. La base est concrète. Le sommet est abstrait. De cette notion découle une règle simple. Vous devez éviter de rédiger votre texte de manière abstraite tant que vous n’avez pas de solides fondations concrètes. Quand vous avez le sentiment d’avoir suffisamment placé les choses, vous pouvez monter en abstraction, mais avec modération.
Qu’est ce qui est abstrait ?
Par définition, tout ce qui n’est pas de l’action immédiate ou des détails sur la scène est abstrait. L’introspection est abstraite. Les descriptions vagues sont abstraites. Les moments d’introspection sont également de l’abstrait. Les sentiments ? L’amour ? Abstrait.
Votre histoire tient debout lorsqu’elle repose sur des bases solides et concrètes. Si vous retournez la pyramide, votre texte reposera simplement sur des concepts et des notions. En conséquence, les lecteurs n’auront pas l’impression de vivre les scènes, ils auront des difficultés à s’attacher aux personnages. Votre histoire sera maladroite et malaisante dans son ensemble.
Prenons quelques exemples
Nous l’avons déjà évoqué, la notion d’amour et les sentiments exprimés par les personnages sont du domaine de l’abstrait.
Caresser un chien, est-ce concret ?
Selon Brandon Sanderson, non. Si l’on montrait cette phrase à une vingtaine de personne, chaque personne imaginerait un chien différent, et possiblement une façon différente de caresser le chien. sur la tête, dans le cou, dans le dos…
Mentionner un chien est donc également du domaine de l’abstrait. Il faut préciser des éléments pour rendre cela concret. C’est similaire à ce que nous avons vu dans l’article sur l’écriture commerciale.
C’est un bon moment pour parler de la règle du “Show, don’t tell“, que nous traduirons par : “Montrer plutôt que d’expliquer”.
Montrer un événement ou une scène avoir lieu est typiquement concret. Expliquer sera logiquement plutôt du domaine de l’abstrait.
La distinction entre les deux est parfois fine. J’ai eu du mal à précisément mettre le doigt dessus. Une reformulation de la règle du show don’t tell sera : une scène est beaucoup plus puissante si elle est vécue par le lecteur, plutôt que racontée.
Considérons deux scènes identiques.
“C’était un homme nerveux.” 5 mots. Direct et efficace. Par contre, nous n’avons que très peu d’informations à nous mettre sous la dent. Voyons une version plus concrète de cette scène.
“Il faisait les cent pas dans la pièce, regardant l’heure sur sa montre toutes les quelques secondes.” 18 mots. Ouh que c’est long pour dire, essentiellement, la même chose. Cependant cette phrase est définitivement concrète et claire.
J K Rowling est très douée à ce système d’abstrait/concret. Elle parvient à naviguer entre des passages de narration et des passages d’action de manière fluide et naturelle.

Dans un certain nombre de cas, y compris celui évoqué au dessus, utiliser plus de mots permet à la scène de passer plus vite. Certes, il n’est pas souhaitable de rallonger votre texte dans la plupart des cas. Cependant, si vous écrivez une scène d’action, vous gagnerez en temps et en clarté si vous prenez le temps de décrire les personnages et leur situation en amont. Si vous parvenez à donner toutes les informations nécessaires avant, vous n’aurez pas à les éparpiller au dernier moment pendant l’action. Ce qui ne ferait que désorienter vos lecteurs.
Maintenant, est-il possible de trop faire de concret, au point de tomber dans le problème inverse ?
Oui, mais surtout non.
La plupart des écrivains, y compris vous et moi, avons tendance à trop utiliser d’abstraction quand nous écrivons. Nous n’utilisons pas un langage assez précis. Il est très facile de retomber dans les concepts et de ne pas donner de détails. Un doberman est un gros chien noir, qui est également un gros chien, qui est également un chien. Dans bien des cas, nous gagnerions à utiliser un langage plus concret que le mot “chien”, qui contient infiniment plus de sens que le mot “doberman”.
A l’inverse, il y a peu de risques de rédiger un texte trop descriptif, type manuel d’utilisation si vous vous en tenez aux points importants du récit. Prenons l’exemple d’une recette de cuisine qui vous indique de casser un œuf. C’est encore relativement abstrait, comparé à :
Vous prenez l’œuf dans votre main. La coquille est légèrement rugueuse et fraîche au toucher. D’un coup sec, vous le cognez contre le bord du saladier qui fait un bruit distinctif. Du blanc d’œuf vient se coller à vos doigts, visqueux et humide.
Ce passage fait beaucoup plus appels aux différents sens que le ferait une recette de cuisine. C’est là la différence entre faire vivre la scène et simplement la décrire. Dans les deux cas, vous la décrivez d’une certaine manière, puisque vous écrivez votre histoire. Mais dans seulement l’un de ces exemples avons-nous vraiment l’impression de casser un œuf.